Un agriculteur de Puidoux va plus loin que le biogaz
Article de 24Heures / 24.11.2014
Grâce à une installation de biogaz innovante et ultra-écologique, Georges Martin a gagné l'AgroPrix 2014 à Berne.
Quand Georges Martin a repris l'exploitation à son père Louis, en 1978, six vaches y paissaient. Elles sont aujourd'hui 250, et côtoient poules et cochons. Cette ambition assumée a poussé l'agriculteur de 59 ans à réfléchir sans cesse à de nouvelles solutions. C'est cette dynamique que salue le prix spécial de l'Association suisse de la machine agricole (ASMA), reçu à Berne la semaine passée (dans le cadre de l'AgroPrix). Il récompense son installation de biogaz qui comprend, et c'est là l'innovation, un système prototype de raffinage du digestat liquide (fumier après méthanisation).
«La réflexion autour du biogaz, nous l'avons commencée il y a quinze ans, explique Georges Martin. Nous venions de moderniser notre installation de vente directe, initiée avec la crise de la vache folle, pour redonner confiance au consommateur, et avions une facture d'électricité énorme.»
En pole position des installations de biogaz en 2000 - une petite centaine d'agriculteurs en possèdent aujourd'hui en Suisse - Georges Martin a vite repéré le «paradoxe écologique» qu'elles représentaient. «D'abord, la fabrication d'électricité par le biogaz produit la plupart du temps davantage de purin qu'elle n'absorbe de fumier. C'est ce qui bloque beaucoup de projets actuellement. Comment stocker et où épandre cette matière? Et puis le transport du
purin par camions - de Suisse centrale, où il y a une grande concentration de bêtes, en Suisse romande, pour engraisser les champs - est un non-sens.»
Un camion au lieu de dix
Le système d'évaporation mis au point à Malters (LU) par l'ingénieur Oliver Arnold, dont le prototype est installé à Puidoux, apporte une solution. «Des dix camions qui transportent du purin liquide, il n'en faut plus qu'un pour l'engrais sec. Et aujourd'hui, il faut penser local», ajoute l'ingénieur. Le principe : évaporer le digestat liquide obtenu par méthanisation (sous les deux bulles noires caractéristiques des installations de biogaz), pour en tirer un concentré ultrariche en éléments nutritifs qui sera ensuite séché. «Cette matière solide est plus efficace que l'épandage liquide, qui s'enfonce dans les sols à la première pluie», argumente Georges Martin, qui fournit le Golf de Lavaux, des vignerons et des jardiniers en engrais sec.
Gain de place de stockage, récupération de l'eau d'évaporation pour l'arrosage, et concurrence aux engrais artificiels importés, la méthode est un modèle d'écologie, mais aussi d'économie. «C'est un poste important pour l'exploitation. Malheureusement pour la paysannerie, il est plus rentable aujourd'hui de faire du biogaz que du lait.» se désole l'agriculteur.
Cohabitation agricole
Il prône d'ailleurs, au travers de son système, un retour aux valeurs de l'agriculture. Celui qui vient à la ferme y apporte son gazon, qui finira dans l'engrais qu'il achète, en même temps que la viande des bêtes préparées sur place. «Et ses enfants peuvent caresser les animaux, ajoute Georges Martin. Cette cohabitation, c'est le seul avenir possible pour le métier. Les jeunes admettent trop facilement la complexité, alors que les solutions sont souvent toutes simples.»
L'ingénieur Oliver Arnold opine du chef à cette évocation : «M. Martin ne file pas droit comme tout le monde, il essaie de nouvelles voies, et ça, c'est primordial.» Un côté «artiste» qui n'ôte rien au pragmatisme du paysan. A l'image de son paternel, qui à côté de son activité agricole était aussi «coiffeur des jours de pluie» et jouait de 22 instruments de sa création. Et qui, à l'heure de lui remettre la ferme, avait enfin pu s'adonner à sa passion musicale.
(24 heures)
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